mercredi 5 janvier 2011

Inflation, spéculation et politique monétaire, l'économie chinoise est-elle malade ?


On l'a déjà vu, la Chine manipule sa monnaie : elle imprime des Renminbi qu'elle échange contre des dollars et oblige en contrepartie ses banques à bloquer une partie de la monnaie en circulation à l'intérieur du pays. Elle a pu ainsi depuis les années 1990 maintenir le RMB stable par rapport au dollar tout en gardant l'inflation sous contrôle.
Ce beau mécanisme, que j'ai expliqué dans un article précédent, s'est enrayé à partir de 2008. Pour éviter d'être entraîner dans la crise, la Chine a relâché son contrôle sur les banques, celles-ci ont pu prêter plus et plus facilement, des projets qui auraient été écartés quelques mois auparavant ont pu être lancés et ce coup d'accélérateur à pratiquement compensé les effets de la crise des subprimes sur l'économie chinoise. Mais comme dans le même temps le gouvernement chinois n'a pas voulu laisser sa monnaie se réévaluer, de nouveaux billets ont été imprimés à tour de bras pour que le RMB reste ancré à un dollar en chute libre et ils se sont déversés sur le marché intérieur chinois sans pouvoir être "stérilisés". C'est l'étincelle.

Depuis, certes le système bancaire a été repris en main, mais trop tard les prix avaient déjà augmenté. Pas énormément, l'inflation n'était en novembre que de 5.1% sur un an, mais de façon constante et surtout avec des pointes très importantes dans des domaines qui touchent à la vie quotidienne : l'alimentation, le logement... Et contrairement à une idée reçue, le salarié chinois n'est pas plus dévoué à la cause que son camarade européen. Là où les européens acceptent actuellement sans trop broncher de voir leur pouvoir d'achat baisser, les chinois exigent des revalorisation, et les obtiennent parce que le régime chinois préfère gérer un risque de crise économique plutôt qu'une crise sociale. Ainsi, à Pékin, le salaire minimum doit augmenter de plus de 20% cette année, rattrapant celui de la Bulgarie (un pays-membre de l'Union Européenne !).
L'étincelle de 2008 a donc déclenché une forte hausse des salaires... bien trop forte pour que cette augmentation des coûts puisse être absorbée par les entreprises sans qu'elles augmentent leurs prix, ce qui poussera les salariés à réclamer encore une augmentation, etc... La Chine semble en train de mettre le doigt dans ce que l'on appelle une spirale prix-salaire.

Face à ce mécanisme, les mesures prises par le gouvernement chinois sont pour l'instant presque insignifiantes. D'un coté, il y a une multitudes de mesures administratives plus ou moins symboliques dont l'une des plus récentes est le contrôle des prix de certains légumes. La structuration des réseaux de distribution est sans doute insuffisante en Chine pour qu'un tel contrôle soit efficace, il va simplement stimuler le marché noir et les dessous de tables.
De l'autre, il y a la remontée des taux directeurs. Mais actuellement, les taux d'intérêt en Chine restent très nettement inférieur à l'inflation. Ce qui signifie concrètement que si vous achetez n'importe quoi (pourvu que ça se conserve : un appartement, de l'or, des algues séchées, de l'ail...) et que vous le revendez plus tard vous gagnerez plus (ou plus exactement vous perdrez moins) que si vous aviez déposé votre argent à la banque - et bien sur plus que si vous aviez gardé vos billets sous le lit. Les chinois ont donc intérêt à dépenser leur argent au plus vite pour conserver le moins possible de monnaie, ce phénomène encourage la spéculation et entretient la hausse des prix. Il faudrait pour l'enrayer des mesures bien plus radicales que celles qui ont été prises jusqu'ici, à commencer par remonter les taux d'interet réel au-dessus de zéro, c'est-à-dire augmenter jusqu'à environ 5% le taux de dépôt, soit +2.25 bien loin des +0.25 du 25 décembre. Mais de telles mesures ne seraient pas indolores.

Pour nous autres européens, une inflation durable en Chine a un bon et un mauvais coté. Le mauvais, c'est que cette situation va se répercuter sur les produits importés de Chine : pour la première fois depuis bien longtemps, les prix des produits manufacturés risquent d'augmenter dans nos supermarchés.
La bonne, c'est que c'est exactement ce que tout le monde semble réclamer à cor et à cri depuis quelques mois. L'inflation chinoise va avoir pour nous exactement le même effet qu'une réévaluation du RMB. Il est d'ailleurs assez probable que le gouvernement chinois en prendra conscience et préférera réévaluer s'il ne parvient pas à faire baisser son taux d'inflation dans les prochain mois.

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